L’archéologie peut être contemporaine. La nouvelle exposition du Laténium à Hauterive en est la preuve. Intitulée Dans les camps. Archéologie de l’enfermement, elle plonge les visiteurs dans la réalité des camps instaurés par le régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale. L’exposition s’est ouverte vendredi et sera visible jusqu’au 12 janvier 2025 au musée d’archéologie. Elle réunit 650 objets issus de fouilles ou de prospections réalisées en France, en Allemagne et en Pologne, dans ces différents lieux d’enfermement, qu’ils soient camps de concentration, de travail forcé ou encore de prisonniers de guerre.
Environ 16'000 objets mis au jour au camp d’Auschwitz
L’une de ces fouilles a été menée durant dix jours en 1967 près de l’un des crématoires d’Auschwitz, sur demande d’Andrei Brzozowski. Ce cinéaste polonais en a tiré un court film Archeologia. À cette occasion, les archéologues ont mis au jour 16'000 objets et effets personnels de personnes envoyées dans les chambres à gaz, indique Géraldine Delley, commissaire de l’exposition et directrice adjointe du Laténium.
Des traces matérielles qui révèlent la masse de personnes exterminées à Auschwitz
Au début de l’exposition, le public est confronté à des isolateurs de fils barbelés, les nazis ayant été les premiers à électrifier les barbelés qui délimitent les camps, indique Géraldine Delley. Ce système donne à voir l’intérieur du camp à la population locale, les camps étant pour certains proches de villages. Pour Géraldine Delley, « il n’y avait pas la volonté de cacher ce qu’il s’y passait. On considérait que l’on pouvait pratiquer cette violence de masse de façon tout à fait normalisée ».
Géraldine Delley: « Des lieux visibles, à proximité de villages »
L’exposition passe par le prisme de la vaisselle pour décrire les relations hiérarchiques qui prévalaient dans les camps. La directrice adjointe du Laténium évoque le bouteillon, ce grand récipient qui servait à servir la soupe aux prisonniers, qui n’avaient droit qu’à de la vaisselle métallique, contrairement aux gardiens à qui était réservée la porcelaine.
Géraldine Delley: « Une hiérarchie qui se dessine à travers cette vaisselle »
L’exposition ne montre pas uniquement les objets utilitaires, mais aussi les élans créatifs des prisonniers qui tentent de garder un peu d’humanité malgré leurs conditions d’emprisonnement. Les visiteurs pourront poser le regard sur un jeu de dames, sur des figurines ou sur un cœur ; le tout formé de matériaux récupérés çà et là.
Dans les camps. Archéologie de l’enfermement se compose de quatre espaces thématiques. Dans l’un d’eux, le public est aussi invité à s’interroger par le biais d’un court film : que faire des vestiges de camps aujourd’hui ? Les conserver à des fins mémorielles ou redonner une nouvelle vie à ces parcelles chargées d’histoire ?
Avec ces traces matérielles, le Laténium se donne pour objectif de conjurer l’oubli, à l’heure où les derniers survivants des camps s’éteignent. /sbm